LE SILENCE DE DIEU
Dans le poème, de Jb 3 à Jb 37, on a cinq personnes qui parlent de Dieu mais Dieu où est-il ?
On l'a vu, Job et ses amis souhaitent l'intervention de Dieu pour des motifs différents.
Pendant tout le poème, tout le monde réclame à corps et à cris l'intervention de Dieu.
Même le
lecteur ! C'est un procédé littéraire qui amplifie l'impact de la réponse de Dieu
LES DISCOURS DE DIEU : SURPRISE !
Enfin il se manifeste au chapitre 38 : Dieu parle du milieu de la
tempête Jb 38.1 et Jb 40.6 ( 1 ). De quelle tempête s'agit-il ? Certainement de la tempête spirituelle dans le coeur de Job !
Mais quelle surprise quand on lit Dieu : une série de questions en cosmologie et science naturelle !
On a l'impression que Dieu ne répond pas aux questions que Job a posé tout au long de ses discours.
Au contraire Dieu pose des questions pendant 2 chapitres entiers !
DIEU REMET JOB A SA PLACE
Il le remet à sa place dans l'espace : Job est insignifiant (ex Jb.38.16-17).
Il le remet à sa place dans le temps : Job n'est pas éternel (ex Jb 38.21).
Il le remet à sa place dans la sagesse : le vrai sage c'est Dieu !
Par l'abondance de question rhétoriques du style « le sais-tu ? », « connais-tu ? », Dieu
signifie que Job ne sait rien et n'a pas compris grande chose de Dieu. Et le discours se
conclut par : « Celui qui critique Dieu a-t-il une réponse à tout cela ? »
(Jb 40.2b).
L'auteur du livre présente Dieucomme LE sage par
excellence: car dans la sagesse du proche orient ancien, il était de coutume de faire des listes d'animaux ou des descriptions à n'en plus finir pour
montrer qu'on avait observé le monde et qu'on l'avait compris ( 2 ).
Quand Dieu commence à parler enfin, il dit :
Jb 38.2Qui est celui
qui obscurcit mes desseinspar des propos dénués
de connaissance ?
Job ne connaît ni Dieu ni ses desseins ! Il n'a pas de relation personnelle, émotionnelle, intime, avec Dieu.
Job est juste au sens légal du terme --> c'est pourquoi il voulait un procès.
Mais il n'était pas juste au sens relationnel du terme --> on ne fait pas de procès à quelqu'un qu'on
aime.
Un autre exmple biblique de cette justice légale mais pas relationnelle n'est autre que celui de Saul de Tarse (qui deviendra l'apôtre Paul) :
Moi, pourtant, j’aurais des raisons de mettre ma confiance dans la chair. Si d’autres considèrent qu’ils peuvent mettre leur
confiance dans la chair, à plus forte raison moi : circoncis le huitième jour, de la lignée d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu né d’Hébreux ; quant à la loi,
pharisien ; quant à la passion, persécuteur de l’Eglise ; quant à la justice de la loi, irréprochable. Mais ce qui était pour moi un gain, je l’ai
considéré comme une perte à cause du Christ. (Philippiens 3.4-7) .
La justice :
Ce n'est pas "être parfait" (comme Job ou Paul)
Mais c'est "avoir une relation avec Dieu" ( 3
).
DIEU CORRIGE JOB...
Job avait bien compris que quelque chose n'allait pas dans la sagesse de ses amis. Pourtant
il avait le même système de pensée qu'eux. La même sagesse. Les mêmes raisonnements :
Jb 13.1-2 Oui, mon oeil a vu tout cela. Mon oreille l'a entendu et l'a compris. 2 Ce que vous savez, je le sais moi aussi, Je ne vous suis pas
inférieur.
Ce que Job a critiqué n'était pas le vrai Dieu ! Il a critiqué le faux Dieu de la rétribution !
Mais il n'a pas su sortir
de son système de pensée pour progresser dans la connaissance de Dieu.
Là où ses amis se voilent la face pour faire coïncider leur expérience avec leur façon de penser, Job remet tout en cause (religion, sagesse, Dieu) mais toujours dans la même façon de raisonner.
Il fait le pendule.
C'est pourquoi Dieu l'amène à voir ses limites : réfuter
l'erreur est une bonne chose, mais si on se borne à cela, on ne progresse pas.
... ET JOB EST TRANSFORME
La provocation initiale de Job reste inefficace : Jb 23.2-9 = il ne trouve pas Dieu de cette
manière.
Mais dans ses réponses à Dieu Job est transformé : le ton et le style sont différents. Job est ici beaucoup plus
révérencieux et humble : il fait le constat :
- De son impuissance (Jb 40.4a Voici: je suis peu de chose)
- De son manque de sagesse (« j'ai trop parlé » dit il en substance en Jb 40.4b-5 et en Jb 42.3)
- Qu'il ne connaissait pas Dieu
Jb 42.5Mon oreille avait entendu parler de toi; Mais maintenant
mon œil t'a vu.
La prise de conscience de Job se fait en deux étapes ( 4 ) :
- Humiliation
- Relation
Le vs 42.5 est encore une clé du livre :
- Job ne connaissait Dieu que par l'enseignement qu'on lui en avait donné.
- Mais Job n'a jamais fait l'expérience de Dieu lui permettant d'avoir une relation avec Dieu.
- Il n'avait jamais « rencontré Dieu ».
Maintenant il a « vu » Dieu. Il a eu une vision ( 5 ). Une révélation ( 6 ).
- On peut être religieusement/légalement juste et être loin de Dieu (cf.
parabole des 2 fils, Luc 15)
- Il ne s'agit pas d'être juste mais de connaître Dieu personnellement !
- On ne naît pas chrétien, on le devient ( 7 ).
Telle est la réponse de Dieu à la question récurrente de Job (Jb 9.2) Eliphaz (Jb 4.17) et Bildad (Jb 25.4) : comment un homme serait-il juste devant Dieu ?
Questions pour méditer :
- Qui les "silences de Dieu" vous poussent-ils à remettre en question ? Dieu ou vous-même ?
- Quelle relation avez-vous avec Dieu ? Une relation légaliste ou une relation intime ? Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer votre réponse ?
- Dans l'Eglise, êtes-vous celui qui conteste sans rien proposer de concret ? Votre critique est-elle constructive ?
- De quoi faut-il avoir peur ? d'offenser Dieu ou de ne pas être proche de Dieu ?
- Comment faites vous pour laisser Dieu agir quand c'est la tempête dans votre coeur ?
Notes :
1 contraste avec 1Rois 19.12-13 Elie au mont Horeb --> Elie a peur, mais il n'y a pas de raison d'avoir peur
2 Psaume 8, 105, 148... la fourmi de Pr 6... et la littérature extra-biblique
3 1Sam 15.22 / Mt 7.21-23 / Lc 6.46
4 Cela fait penser à Marc 8.22-26 quand Jésus s'y reprend à deux fois pour rendre la vue complète à l'aveugle.
5 On comprend que Job n'a pas vu Dieu avec ses yeux physiques. Mais plutôt avec les yeux du coeur (Eph 1.18). Cela pose question quant à l'utilité spirituelle des « apparitions » dont certains pensent avoir été témoins ; qu'elles soient vraies ou fausses.
6 Cette révélation, c'est l'auteur du livre qui l'a eue et qui nous la transmet à travers l'histoire de Job. Il était inspiré.
7 Jn 1.12-13 ; la formule est de Tertullien.